Chronique par Cave Caenen
Laurent Frattale, un comédien qui a débuté sa carrière à Caen, se glisse dans le corps et la voix de Tristan. Plongé dans une pénombre qui rend justice aux photos délicatement projetées sur six écrans latéraux et qui détaillent parfois une grande image exposée sur un grand écran au lointain, Frattale donne aux commentaires sensibles du photographe l’épaisseur grave mais contenue d’une sorte de berceuse. Sans appuyer ou commenter à son tour les anecdotes ou les aphorismes du photographe, il se « contente » avec un tact indicible de faire une voix qui entre parfois en écho avec la voix du photographe lui-même. On échappe ainsi au pathos pourtant excusé par avance pour cette équipe ( avec le vidéaste Pablo Géléoc) choisie par Tristan Jeanne-Valès. Si l’émotion est là elle est contenue et sans cesse tenaillée par la mise en scène sobre et juste d’Annie Pican. Les déplacements du comédien obéissent à des logiques que les photos diffusées font comprendre et nous font aussi voyager, en mots et en images, entre Lisbonne, l’Irlande ou les Balkans, des espaces rudes et chargés d’histoire qui illustrent si bien ce grand « taiseux » bougon qu’était Tristan. Aucune compassion formelle, aucune grandiloquence, aucune fioriture esthétique pour tenter de donner à ces Ombres portées une forme chic mais plutôt une démarche sincère et juste, toute entière marquée par cette volonté de maintenir un équilibre fragile entre recueillement poétique et amour partagé.
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